Fabrice Larchevêque, près de Dieppe : les vignes les plus au Nord de la Normandie
A Sauchay, à 10 km de Dieppe, Fabrice Larchevêque et sa famille ont créé le vignoble situé le plus au Nord de la Normandie. Les premières bouteilles de vin sont déjà sorties et ce vignoble, établi depuis 2021, compte aujourd’hui 3.800 pieds de vigne.
Dieppe n’enregistre que 1600 heures d’ensoleillement par an contre plus de 2300 heures en Touraine. Le climat normand est aussi plus humide.
Comment cette famille a-t-elle adapté son vignoble au climat de la Seine Maritime ? Rencontre avec des passionnés qui ont les pieds sur terre.
C’était une vielle envie discutée en famille : créer un vignoble. Mais quelles possibilités réelles lorsqu’on est agriculteur à Sauchay, à 10 km de Dieppe, tout au Nord de la Normandie ? En fait, longtemps, la question ne s’est pas posée. Il était interdit de planter des vignes hors des régions viticoles reconnues.
Mais en 2016, la réglementation a changé : les plantations de vignes hors des espaces traditionnels de vignobles ont été libéralisées. La voie à la création de nouveaux vignobles en Normandie était ouverte. A partir de là, l’idée familiale a pu faire son chemin.
Dans le passé, au Moyen-Age et même plus récemment, il y a eu des vignobles en Normandie, y compris dans l’actuelle Seine Maritime. La région est proche de la limite Nord de la viabilité de la vigne. L’histoire des vignobles normands au fil des siècles oscille entre des périodes plutôt propices et des périodes où le froid, l’humidité et certaines maladies ont rendu impossible cette culture.
La famille disposait d’un atout pour lancer un vignoble : un coteau à Sauchay, légèrement en pente, long de plusieurs centaines de mètres et surtout exposé plein Sud. La configuration idéale pour que l’impact de l’ensoleillement soit le plus fort. C’est donc ici qu’ils ont planté les premiers pieds en 2021.
Sur ce coteau exposé au Sud, le vignoble Brument-Larchevêque compte maintenant 124 rangs de vignes sur 1 hectare et demi.
Autre atout : une solide base agricole. Organisées autour d’un GAEC - Groupe Agricole d’Exploitation en Commun, les deux familles associées Brument-Larchevêque cultivent du blé, de l’orge, du colza et du lin. Ils ont aussi un élevage de vaches laitières. Cette diversification assure la solidité de l’entreprise : si une activité est moins favorable une année, les autres peuvent la compenser et l’entreprise peut ainsi perdurer.
En 2021, les premiers pieds sont plantés sur le coteau plein Sud. Les cépages sont le pinot noir et le pinot gris, ainsi que le chardonnay, des cépages que l’on trouve fréquemment en Bourgogne, en Alsace et en Allemagne.
Résister à l’humidité
Dieppe ne compte en moyenne qu’environ 30 jours de gel par an et la température n'y est jamais très basse. Elle n’est pas passée sous les -4° par exemple en 2023. Les 3 cépages choisis peuvent résister à bien plus froid que cela.
Le problème ici est plutôt l’humidité. Dieppe enregistre plus de précipitation que la moyenne française, ainsi qu’un plus fort taux moyen d’humidité de l’air : tout ce qui est propice au développement des deux ennemis de la vigne, le mildiou et l’oidium, deux micro-champignons.
Leur action peut être dévastatrice : après l’apparition de taches sur les feuilles, toute la récolte peut être perdue et même le pied peut être affaibli.
Pour lutter contre ces deux champignons, différentes techniques sont utilisées par Fabrice Larchevêque. L’humidité près des pieds est réduite par l’arrachage de toutes les herbes situées à proximité. Un traitement préventif, la “bouillie bordelaise”, est appliqué.
Et un nouveau cépage a récemment été introduit, le soreli, qui est fortement résistant aux deux champignons. Les essais sur le coteau de Sauchay ont montré que les pieds de soreli ne subissaient pas l’attaque des champignons, même sans traitement.
Au pied des vignes, ces protections servent à empêcher les lapins et d’autres herbivores de se nourrir du vignoble. Elles étaient avant en plastique et sont maintenant dans un type de carton bio-dégradable. Une solution favorable à l’environnement, mais aussi facile d’usage pour les viticulteurs.
Grâce à cet entretien et à ce choix de cépages, le vignoble résiste bien aux conditions atmosphériques, avec un minimum de traitement.
“Nous sommes actuellement dans les conditions du bio” explique Fabrice Larchevêque. “Mais nous n’avons pas demandé à rentrer dans ces labels, pour avoir plus de liberté si un jour un problème de la vigne nécessitait un traitement”.
Enfin, dernière adaptation aux conditions particulières près de Dieppe, les vendanges n’ont pas lieu fin août - début septembre, comme dans d’autres régions, mais fin septembre - début octobre, le temps que le soleil ait fait son effet sur les raisins.
Ici comme ailleurs, c’est en observant les vignes que l’on sait quand le moment de vendanger est venu.
Pour ce nouveau vignoble, Gérard Larchevêque a ressorti un tracteur des années 1960, moins large que les plus récents. Il a la bonne taille pour passer entre les rangs de vignes et contrôler la végétation.
La taille a lieu au mois de Mars. Ensuite, pendant le printemps, la pousse de la vigne est rapide. Il faut “ébourgeonner”, c’est à dire choisir les bourgeons qui seront gardés.
Le vignoble a déjà produit plusieurs litres de vin, mais ce n’était que le stade des expérimentations. L’année 2024 devrait voir la première vraie production des vignes de Sauchay.
Le GAEC Brument-Larchevêque compte d’abord distribuer ces nouveaux vins dans son point de vente traditionnel, la “Boucherie de la Ferme”, qui se trouve non loin, dans la petite ville d’Envermeu. Mais, ils envisagent aussi une diffusion plus large de leurs vins à venir. Rendez-vous en 2025 pour goûter ces premiers crus.